Récupérer son authenticité à la petite cuillère
Un bon outil pour prévenir les réunionites : être soi-même !
Un truc bizarre se passe en moi lorsque je vois quelque chose qui ne fonctionne pas dans une réunion : souvent j’implose de colère. On dirait qu’il y a une loi terrestre qui régit les rapports humains ainsi. L’ennui comme cadre sécure et répétitif jalonnant un format en apparence bordélique mais en profondeur très défini.
Anatomie du désastre désorganisé :
faire comme si tout allait bien (mettre les choses sous le tapis)
faire comme d’habitude (repousser les décisions et parler de choses non-importantes)
laisser les tensions monter jusqu’à ce que quelqu’un pète un câble ou dise vraiment ce qu’il veut ou bien prendre les décisions dans l’urgence (on a pas que ça à faire après tout)
Ça ne vous est pas déjà arrivé ?
D’abord, nous avons tous appris la politesse ordinaire qui consiste à mettre un sourire plastique sur son émotionnel “dérangeant”. C’est mieux de mettre une sourdine avec son sourire cosmétique de société. Une fameuse conséquence de ça est que l’on ne dit pas comment l’on va vraiment - et ce ne sont pas des pseudos outils comme la météo du jour qui vont permettre cela. Je peux très bien prétendre avoir un soleil radieux et toujours laisser les choses sous le tapis. Le “ça va bien et vous ?” qui vient là pour refermer la parenthèse d’usage, clos la discussion pour de bon.
Bien entendu, même les groupes humains qui veulent faire différemment son pris au piège de la méchante avalanche émotionnelle qui pourrait surgir et dont on ne saurait trop quoi faire si jamais. Autant se barricader ou mettre les voiles.
Pourtant s’il y a un sujet qui permet de faire société, c’est bien soi-même et la perspective que ce monde-ci, tel que nous le voyons, ne s’arrête pas à l’extérieur mais continue en nous.
Lorsque nous prétendons partager notre état et que nous ne le faisons pas vraiment, c’est un peu comme une extension sensible de ce monde qui nous manque.
Et si je disais “non, ça va pas, là tout de suite” ? Embarrassant ? Assurément. Et plus réel à la fois.
Pendant les deux premiers jours du Camp d’Été Donner du corps et des racines à nos rêves, pensé comme un espace pour coopérer ensemble, j’assistais à cet insupportable balai de banalité et de surf sur les crêtes du ‘bien être’ made in patriarcat.
Car le patriarcat est un monde bien immonde où la tête triomphe du corps en décidant de tout en mode automatique sans laisser parler le cœur. Il se prive de l’authenticité, du vécu réel, de la sensibilité nécessaire pour faire accoucher d’une conversation féconde.
Dans mon dernier article j’ai parlé de la coopération comme quelque chose qui s’apprend, ici je vais vous parler d’apprendre à être authentique.
Personne n’est parfait. Même ‘préparé’ à d’éventuelles frictions des débuts, j’ai débuté ce camp avec une appréhension grandissante : quelque chose n’allait pas et il fallait que je le dise.
#antidote n°1 : être vrai commence par soi-même

Après avoir demandé des espaces d’écoute profonde avec d’autres membres de mon Équipe du Possible, j’observe de plus en plus que je suis en colère. Je fulmine. Ça fait 2 jours que je propose des outils de gestion de réunion efficace et ça coince : le corps social botte en touche.
Après être passé par tous mes états, lors du cercle d’ouverture du matin je déclare : “aujoud’hui je serai un enfoiré conscient : Bullshit Man !”
“Je vais dire toute la Bullshit qui est présente dans l’espace : les ‘oui’ qui sont des ‘nons déguisés’, les retards qui s’accumulent, la facilitation qui peine à démarrer, les discussions pour combler le vide, je dirais tout !”
Un enfoiré conscient est très rafraichissant pour le groupe : il le fait par Amour profond pour l’autre et pour lui-même.
Autant dire que ça a dépoté toute la journée.
Exit la remarque qui disait insidieusement que “tu es trop puissant, c’est pas dangereux pour le groupe ?” : là j’assume totalement ! Avec ma cape anti-Bullshit et mes super pouvoirs de dire plus vite que je ne le pense, j’assume à 100% !
Et ça marche.
Après avoir réussit en groupe à mettre en place la prise de décision par la résistance, un facilitateur tournant et mis en place les outils ingénieux du Rêve du Dragon tel que le Karrabirdt (planification créative des tâches en groupe), ça roule.

Merci Bullshit Man. Et merci l’Équipe du Possible.
#antidote n°2 : prendre les décisions importantes tout de suite
Proposer une collaboration radicale passe par jauger les niveaux de responsabilité dans un groupe : qui fait quoi ? Comment ? Qui a besoin de quoi ?
Je m’étale pas plus sur le process de prises de décision, le sujet est suffisamment copieux et je l’ai traité dans le précédent article.
En revanche si prendre sa responsabilité est une chose - qui peut déjà bloquer à causes d’anciennes émotions (peur d’être jugé, frustration de pas y arriver, peur d’être vu dans un groupe, etc.) -, réaliser concrètement ses tâches en est une autre et les espaces d’écoute aident grandement.
Un espace d’écoute c’est un espace sans droit de réponse : ici on s’abstient pour laisser parler l’autre. Je ne fais que répéter ce que vient de me dire la personne, non pas comme un perroquet mais avec la même intensité émotionnelle : peur, colère, tristesse et joie (pour désigner les grandes couleurs primaires).
Si c’est plutôt de la peur, je répète avec le souffle court pour être en connexion empathique avec l’autre. C’est pas de la manipulation, ça permet à l’autre d’être entendu non pas uniquement avec sa tête - patriarcat bonjour - mais aussi avec son cœur. Si j’ai peur avec l’autre, je l’encourage à se livrer et non à basculer dans l’ancienne carte de la peur, peur = danger = pas bien = je me blinde.
L’authenticité va dans les deux sens. L’émetteur du message peut être authentique d’autant plus que l’autre l’est.
Ubuntu.1
Inla Kesh.
Alors là dans le groupe il y en a qui pleurent, d’autres qui gigotent de peur sur leurs chaises, ça trépigne aussi pour Baptiste qui exprime sa colère, ou encore Gaëlle, visage rayonnant exprime sa joie.
Pourquoi 4 sentiments ? C’est bien plus simple comme gamme que l’immensité des compositions possibles non ? Quand on commence à apprendre le piano on commence peut-être pas par du Beethoven, ben là c’est pareil : personne ne nous a appris à écouter authentiquement donc pas étonnant de pas savoir parler authentiquement : y’a pas l’espace.
#antidote n°3 : péter un câble tout de suite dans un espace-temps précis
Pour cela, encore une chose que l’on ne nous apprend pas dans le sacro saint empire petro-patriarcal-monde-usine dans lequel j’ai perdu de précieuses années à l’école : dire ce que je veux.
Oui.
C’est pas si facile.
Essaye auprès de tes proches ou de différentes personnes. Beaucoup vont ruminer avant de te dire ce qu’elles veulent pas, mais alors quand il s’agit de dire ce qu’elles veulent : tu as le temps de partir en ballade.
Alors là, comme l’objectif c’est quand même d’être authentique dans l’instant présent - et non en différé - on apprend comment le dire. Ça passe par les 4 sentiments, encore une fois.
Nous étions sous un arbre majestueux, un noyer à vociférer : “je ne veux pas de relations de domination !”, “je veux que tu m’écoutes”, “j’en ai ras le bol de faire ce job de merde !”. Un peu comme des oiseaux qui se seraient posés sur un tas de fumier pour en manger les vers, le groupe pépiait joyeusement sous la protection de notre gardien des bois.
Un véritable moment d’expression authentique.
“Je ne pensais pas que ça pouvait être aussi intense de dire ce que je ne veux pas !” dit Cécile.
Comme ça ne suffisait pas j’ai enfoncé le clou avec un spectacle de “Gastronomie Émotionnelle” puis Julien Berlusconi a fait sa première mondiale de conférence gesticulée de rêve du Dragon avec la recette d’un 4 quart en hommage aux 4 phases de la gestion de projet : le rêve, la planification, l’action et la célébration. Je vous laisse deviner l’équivalence en terme d’ingrédients pour le 4 1/4.
Mais je m’égare, enfin je fais le prélude à mon prochain article qui parlera des projets portés lors de ce camp d’été.
L’enchantement que je peux avoir quand la parole est juste, alignée, vraie ne vaut pas quelques exercices pratiques ? Car alors c’est une fenêtre sur le monde qui s’ouvre, une fenêtre sur l’autre, un peu d’elle, un peu de mystère dévoilé.
Alors pourquoi ne pas être plus direct et s’entrainer à l’être davantage encore ?
Dans ma culture j’appelle cela “la gym du coeur” et les “Labos de Clarté”. Bienvenue.

Ubuntu en dialecte africain signifie : “je suis parce que tu es”. Une salutation qui décrit bien le niveau d’authenticité recherché. Inla Kesh signifie la même chose en dialecte Maya. Les deux sont très jolis, comme ça vous pouvez choisir.